Prenons la réalité pour des virtualités. 1ère partie

La VR de Vincent Ravalec, 1ère partie.

Note de l’éditeur. Je me souviens très bien du premier bouquin de Vincent Ravalec, arrivé de nulle part et remportant le prix de Flore 94. Ça envoyait bien cette littérature à l’époque, sans pincettes, bien franche, marketée au culot. Depuis Ravalec a été de plein d’aventures, romans, films, documentaires et des bouquins fascinants sur les rituels chamaniques et psychotropiques.

Il travaille maintenant sur un projet de Réalité Virtuelle. Fabbula publie son journal de création, récit d’une histoire en train de s’écrire.

La première fois que j’ai essayé un casque, c’était un peu par hasard. J’avais un projet que je gardais depuis longtemps dans mes tiroirs, FAN CLUB. J’avais déjà essayé d’en faire une BD, puis un film, et présentement c’était une nouvelle qui devait se transformer en projet transmédia (j’aimais bien le transmédia, parce que c’était « trans », et les projets « trans » sont souvent intéressants, plus innovants, parfois surprenants) et brutalement, les producteurs avec qui je m’étais associé –des luxembourgeois, sympas, qui, coup de chance, avaient lu quelques-uns de mes livres et aimaient le projet – avaient changé leur fusil d’épaule.

Plus de transmédia ! Le transmédia était dead. Pas de public. Déjà has-been – et donc plus d’argent dans les guichets qui en donnaient encore pour les projets, comme les miens atypiques -.

Par contre il y avait une autre possibilité. Faire le truc en VR.

Je ne savais pas ce qu’était la VR. Je n’en avais jamais entendu parler. Je crois même que je n’avais vu ni un casque ni même la photo de quelqu’un avec un casque.

Par contre, je connaissais la Réalité Virtuelle parce que j’étais amateur de science-fiction. Je savais que sur certaines planètes les gens vivaient dans des espaces imaginaires, se perdant dans des rêves fous. À tel point qu’on était parfois obligé de l’interdire, la nuisance sociale étant trop forte.

J’ai enfilé le casque et il s’est passé ce qui se passe à chaque première fois avec la VR. J’ai dit « Wouah, c’est ouf. » Quelqu’un m’a dit (à l’intérieur de ce nouvel espace immatériel) : « Bonjour, comment ça va ? »  et j’ai eu beau savoir que c’était faux, qu’il y avait des vraies gens autour de moi et que la personne qui venait de me parler n’existait pas, il a fallu que je me fasse violence pour ne pas répondre.

Ok, j’ai dit. On va faire le projet en VR. Ça me plait.

L’histoire que je voulais raconter est complexe.

Une star, le temps d’un weekend, est kidnappée par ses fans. Pendant toute la première partie on pense qu’il s’agit de psychopathes, puis l’on découvre  que la star est responsable de la mort de plein de figurants, sur un tournage, au début de sa carrière. Et que les fans ne sont autres que les proches des victimes, qui se sont  constitués en « fan-club ». On pensait alors que les psychopathes n’en sont pas, mais qu’ils sont plutôt des Vengeurs, juges et bourreaux venant exécuter leur victime. Or plus on se rapproche de la fin et plus on comprend qu’il s’agit d’une expérience. Que les « fans » pour des raisons diverses ont décidé de prendre cette situation comme un cas d’école, emblématique des poisons qui peuvent se répandre et créer à travers l’espace et le temps un nœud énergétique, qui lie, comme un pacte néfaste, tous ceux qui ont été impactés.

Ils ont décidé que cette histoire en serait une illustration, une remise en scène, une catharsis et une résilience.

Intuitivement, je me suis dit que la VR était la forme idéale pour raconter tout ça.

Une meilleure façon de vivre vraiment cette histoire.

Restait maintenant à comprendre pourquoi.

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