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La VR de Vincent Ravalec, 2ème partie.
La première question qui s’est posée lorsqu’on a décidé de concevoir Fan Club en VR est celle du point de vue. Le point de vue est, comme chacun sait, le nerf de la narration. Pas de point de vue clairement défini signifie souvent un film indécis et mou.
Dans notre cas, c’était d’autant plus coton qu’il n’y avait pas de cadrage à proprement parler en 360°. Aux débuts de la VR le point de vue subjectif a été retenu par beaucoup de réalisateurs, qui y voyaient une façon évidente de proposer l’immersion.
J’ai opté pour une autre possibilité, en m’appuyant, bizarrement, sur un article scientifique consacré à la physique des particules. Il y est proposé une lecture du monde non plus composée d’objets – une vision « atomiste », plein de petits points-, mais plutôt un univers où toutes les réalités sont intriquées.Où les entités sont moins distinctes que nos sens ne peuvent le supposer. Où la notion de « relation » devient prépondérante. C’est l’interaction entre les particules qui garantit leur statut. Il n’y a plus d’identités isolées échangeant des informations, mais l’inverse, un monde indivisible où la somme des signaux émis et reçus constitue les identités.
C’est du moins ce que j’ai compris de l’article.
Or avec la VR on peut être « au cœur » de toutes les interactions. On peut être la somme de toutes les informations. On « est » de fait la situation.
Si l’on étend ce postulat concernant les particules aux êtres, en pensant qu’un groupe existe non pas en tant que groupe, mais par la force des relations qui l’unit, alors la VR, avec son point de vue omniscient est parfaitement adaptée.
Et particulièrement pour Fan Club, dont le nœud fondateur est un drame qui a impacté chaque membre.
En plaçant le spectateur non pas dans un regard unique mais multiple, épousant si besoin la place d’un personnage, mais jamais de façon définitive, je vais peut-être pouvoir l’embarquer dans le tourbillon que je prévoie.
Il sera alors un peu tout à la fois, capable de mieux comprendre le jeu subtil qui fait qu’une réalité émergeait.
Je peux lui faire mieux ressentir la complexité des enjeux, les coulisses intimes des choix des personnages, la capacité des uns et des autres à négocier avec leurs émotions et leurs conséquences.
D’avoir trouvé un statut aussi parfaitement VR à cette donnée si importante lorsqu’on veut raconter une histoire, me sert alors de base pour réfléchir au reste du dispositif, avec une certitude : il n’est pas question de faire un film. La VR n’est pas du cinéma. La penser comme telle est aussi hors sujet que d’appréhender la photo comme une extension de la peinture. Il faut l’envisager comme un média à part entière.
Mais une fois cette question (plus ou moins) résolue, s’en pose plein d’autres, auxquelles il est urgent de répondre.