Prenons la réalité pour des virtualités. 4ème partie

La VR de Vincent Ravalec, 4ème et dernière partie.

Mais pour montrer tout cela, pour rendre compte d’une nouvelle complexité, qui soit en même temps simple et fluide, comme un jus de grenadine un après-midi de printemps, et violente et sensationnelle, comme la descente en snowboard d’une piste noire, avec un précipice en bordure juste derrière les sapins, de quels artifices disposons-nous ?

N’importe quel réalisateur qui se confronte à la VR a le réflexe de puiser dans la grammaire évidente du cinéma « flat ». Or c’est plus difficile que ça. Il faut penser cinéma, évidemment, mais aussi théâtre, cirque, art contemporain, BD, jeux vidéo évidemment et transmédia. Pour l’instant, tous les coups sont permis. L’important est de faire triper celui qui enfile le casque.

Mon but, mon « cœur de vocation » est de raconter des histoires, mais si je fais de la VR c’est pour plonger le VRiste dans un trip pouvant tenir la dragée haute à un puissant psychotrope. Il faut qu’on soit à la fois dans les méandres du temps, dans les distorsions de l’espace, mais aussi dans l’intimité psychique, mémorielle des personnages. Dans cet arrière-fond qui épouse les contours du réel en lui donnant sa consistance.

Au début on m’a dit qu’on ne pouvait pas faire de montage (parce que cela provoque des chocs), qu’il fallait se servir impérativement du « subjectif personnage » (parce que c’est l’essence de la VR), qu’il fallait obligatoirement couvrir tout le champ 360° avec le même décor (car sinon on voit que c’était faux). Je trouvais tous ces à priori sans intérêt. Dès le teaser qu’on a tourné, je n’en ai eu cure.

C’était idiot, la VR est à inventer, et au contraire il faut tout essayer. Les game designers, avec leur « chemin critique » qui guide le joueur, sont une bonne piste. Le mélange des médias à l’intérieur de la sphère aussi. La spatialisation du son est une évidence. Les acteurs doivent avoir une expérience du spectacle vivant. Il ne faut pas se priver du spectaculaire – car c’était une partie du « trip » – mais sans en abuser, même si c’est le petit plus, le truc qui va vous rappeler que vous vivez une « vraie » expérience, pas un film.

Avec tout ça comment va sortir le gâteau du four ?

Difficile de faire des pronostics.

Il est probable que dans quelques années on retrouvera des égarés, morts desséchés sur leur canapé, un programme porno encore en boucle à l’intérieur du casque. Que la formation se fera à distance. Qu’on se téléportera pour voir des éléphants ou la tour Eiffel. Qu’il y aura des œuvres d’art VR, des jeux vidéo VR. Qu’elle serait omniprésente sur les réseaux sociaux. Qu’on s’en servirait pour bosser.

Mais pour raconter des histoires ?

Surement différemment qu’avec des livres ou des films. Et pour l’instant franchement, c’est mystère et boule de gomme.

Mais ça vaut le coup d’essayer.

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